« La lune rose » de Rosine Chufisant déploie un paysage urbain où la structure modulaire des gratte-ciels compose une trame rigoureuse. L’architecture, fragmentée en volumes géométriques répétés, s’apparente aux mégastructures théorisées par les métabolistes japonais dans les années 1960. La ligne claire, héritée de la tradition franco-belge et explicitement inspirée de Moebius, confère une lisibilité où chaque élément semble s’emboîter dans un ensemble structuré. Le choix d’une palette chromatique douce, dominée par des teintes roses et bleutées, introduit un contraste avec la densité architecturale, atténuant la sensation d’enfermement souvent associée aux cités cyberpunk. Cette gamme colorée évoque les représentations futuristes de Syd Mead, où la technicité urbaine est adoucie par un éclairage diffus et des tons artificiels.
L’espace urbain est conçu comme un réseau dense et vertical où les connexions entre les bâtiments ne semblent pas relever d’une fonction strictement utilitaire. La perspective centrale accentue une impression de monumentalité, rappelant les visions architecturales de Hugh Ferriss, où l’ombre et la lumière modèlent l’espace en favorisant des transitions progressives entre le bâti et l’atmosphère. L’absence de toute présence humaine place l’architecture au premier plan, suggérant une ville auto-suffisante, peut-être vidée de ses habitants ou en attente d’occupation. La superposition des strates architecturales crée une profondeur où l’œil est invité à circuler, sans point de focalisation précis. La lecture de l’image oscille entre une contemplation des structures et une interrogation sur leur finalité.
Le ciel saturé d’un rose diffus, constellé de corps célestes, inscrit cette ville dans une temporalité incertaine. L’astre principal, disproportionné, semble jouer un rôle symbolique, à la manière des architectures utopiques où l’urbanisme et le cosmos sont mis en relation. La dimension solarpunk, perceptible par l’usage de tons lumineux et une absence de dystopie marquée, nuance les codes traditionnels du cyberpunk. Là où le noir et les néons évoquent une densité oppressante, le choix d’un éclairage plus homogène et la clarté des lignes produisent un effet d’ouverture. Cette approche s’inscrit dans une réévaluation des récits technologiques, où l’avenir urbain ne se résume pas à une opposition entre chaos et contrôle, mais explore des configurations alternatives où la ville devient un espace de projection mentale.























