Intitulée « Feuilles d’automne mauves et roses », cette aquarelle végétale de Diane Darren explore les tensions visuelles entre structure linéaire et dilution chromatique. Le motif principal repose sur un entrelacs de tiges effilées portant des feuilles stylisées aux couleurs dégradées, allant du mauve bleuté au rose tendre, ponctuées de rouges sourds et de gris fumés. Le fond, laissé volontairement neutre dans un beige crème très clair, joue un rôle actif dans la composition en instaurant une respiration visuelle propre au langage de l’espace négatif. Cette économie de moyens place l’œuvre dans la tradition des études botaniques du XVIIIe siècle, notamment celles de Pierre-Joseph Redouté, tout en s’en distanciant par l’abstraction partielle des formes et la liberté des juxtapositions chromatiques.
La technique de l’aquarelle, ici maîtrisée dans ses zones de transparence et ses saturations progressives, fait dialoguer la précision du dessin avec les accidents contrôlés du pigment dilué. Cette tension rappelle certains travaux tardifs de Cy Twombly, où la ligne devient souffle et mémoire plus que contour. L’approche chromatique évoque quant à elle la palette florale et sensuelle de Georgia O’Keeffe, sans toutefois tomber dans la figuration frontale. L’absence de socle ou d’horizon inscrit ces éléments végétaux dans un espace suspendu, presque mental, où la gravité semble abolie.
Ce choix formel induit une lecture symbolique où le végétal ne renvoie pas à une réalité botanique mais à une idée du cycle naturel, détachée de toute localisation temporelle. La structure fine des rameaux, quasi calligraphique, entre en résonance avec les canons esthétiques du wabi-sabi, valorisant l’inachevé, le modeste et l’éphémère. Dans cette perspective, la beauté réside moins dans la perfection que dans l’irrégularité, l’effacement progressif, la trace laissée par le temps. L’œuvre fonctionne ainsi par soustraction, chaque feuille devenant un signe flottant, autonome mais inscrit dans un réseau fragile. L’absence de contraste brutal entre le sujet et le fond accentue cette impression d’osmose, de porosité entre la forme et le vide. Par sa sobriété, son rapport au silence et son traitement de la couleur, l’œuvre rejoint une filiation discrète avec l’abstraction lyrique et la philosophie visuelle du wabi-sabi, où la sensation prime sur la narration.



















